Sorti en mars aux éditions Albin Michel, Le Ventre des femmes, dernier livre de l’historienne et politologue Françoise Vergès revient sur le scandale des avortements et stérilisations pratiqués sans consentement à la Réunion à la fin des années 1960. Un retour sur un angle mort de l’histoire par lequel elle développe sa vision d’un féminisme décolonial. Photos : Matthieu Gauchet.
Dans les années 1960-1970, l’État français encourage l’avortement et la contraception dans les départements d’outre-mer alors même qu’il les interdit en France métropolitaine. Comment expliquer de telles disparités ? Dès 1945, invoquant la « surpopulation » de ses anciennes colonies, l’État français prône le contrôle des naissances et l’organisation de l’émigration ; une politique qui le conduit à reconfigurer à plusieurs reprises l’espace de la République, provoquant un repli progressif sur l’Hexagone au détriment des outre-mer, où les abus se multiplient. Françoise Vergès s’interroge sur les causes et les conséquences de ces reconfigurations et sur la marginalisation de la question raciale et coloniale par les mouvements féministes actifs en métropole, en particulier le MLF. En s’appuyant sur les notions de genre, de race, de classe dans une ère postcoloniale, l’auteure entend faire la lumière sur l’histoire mutilée de ces femmes d’outre-mer, héritage douloureux d’un système esclavagiste, colonialiste et capitaliste encore largement ignoré aujourd’hui.
Après la lecture d’un passage par Olivier Marboeuf, auteur et directeur de Khiasma, puis une analyse de Seloua Luste Boulbina, chercheuse associée au Laboratoire de Changement Social et Politique (LCSP – Université Denis Diderot Paris), Françoise Vergès trace les grandes lignes de sa recherche.
Cette présentation fut suivie d’un vif échange entre Françoise Vergès et le public de Khiasma.
Françoise Vergès est titulaire de la Chaire « Global South(s) » au Collège d’études mondiales, Fondation Maison des Sciences de l’Homme, Paris. Elle est notamment l’auteure d’Entretiens avec Aimé Césaire, Nègre je suis, nègre je resterai (2005), de La Mémoire enchaînée (2006), et de L’Homme prédateur (2011).