Glossolalie 2011-(…)
Traversée linguistique et poétique, guidée par Frédéric Dumond
Relectures 17 : jeudi 6 octobre. En deuxième partie de soirée, après qu’Emmanuel Adely nous ait lu « Je paie », c’est Frédéric Dumond qui a investi de ses mots l’Espace Khiasma. Il a livré l’état d’un projet d’écriture au long court, un poème qui parcourt les langues du monde, qui voudrait les réunir toutes.
Avec Glossolalie 2011-(…), Frédéric Dumond nous invite à une traversée linguistique et poétique, croisant les territoires et les époques le long d’un poème fleuve baigné des singularités sémiotiques de la langue, des langues, de leurs nuances, de leurs intentions propres, des représentations qu’elles recouvrent. Ainsi Dumond dit-il son poème par fragments plurivoques, par bribes traduites en arrière-plan : des indices qui nous rappellent l’effondrement de Babel et la vanité d’une autorité universaliste, qui nous guident à travers la nécessité commune et plurielle de nommer une chose. Les langues sont des pistes sur lesquelles glisse une pensée, dérivant de l’une à l’autre ; pensée vivante parce qu’elle refuse de se figer.
On est dans le silence pour commencer, dans la pénombre, un spot seulement, que viennent bientôt rejoindre les premières lettres blanches projetées, les premiers mots couchés qui défilent dans un coin, mystérieuses phrases qui paraissent se répéter autrement, une régulière reprise. Ainsi cela défile en bas à gauche, puis apparaissent des bribes de textes, comme des évènements, des apostrophes, les courtes séquences qui composent le poème multilingue, le traduisent sur l’écran. Au devant, Frédéric Dumond s’échauffe par quelques sons et positions, puis commence la traversée et la dictée.
Qui réussit à s’empêcher de lire ? Qui ne cherche pas le ou les sens que recouvrent ces sons inconnus, étrangers, parfois étranges car inhabituels, inouïs ? Qui ne voit pas, entre les paroles prononcées, dites, et leur forme écrite, traduite, le corps du poète comme un signe égal (=) ? Ou environ égal (≈) ?! Car ce que la durée et le contenu de cette performance nous invite à penser, c’est la multitude, la pluralité et la diversité des langues, oui, mais aussi de leur significations, de leurs symboliques, de leurs nuances, la singularité de chacun des regards portés sur le monde qu’elles évoquent et expriment.
Ce sont là des versions, des ouvertures sur des possibles interprétations, sur une échappée de l’habitude, de l’approprié vers une dépropriation, un lâcher-prise d’une pensée contrôlée, organisée autour et par une langue. Frédéric Dumond confie que les intentions particulières à chaque langue lui échappent, qu’ils s’approprient les idiomes, les étirent pour s’insérer comme il peut, comme il poétise. Là se trouve la question. Mais qu’est ce que cela veut dire ? La pensée sursaute ainsi. Elle est secouée, attachée toutefois à ces fragments épars, ces petits cailloux qui tracent son cheminement et sur lesquels elle rebondit, sans s’arrêter, poursuit sa route, sa répétition, autrement, ailleurs.
Mathis Berchery
Lien vers le site de l’artiste : http://fredericdumond.free.fr/actu/spip.php?article250
Lien vers l’application « glossolalie »: https://itunes.apple.com/fr/app/glossolalie/id888315383?mt=8