L’Atlas est un espace situé au 4, rue Léon Frapié, au coeur du quartier des Fougères, à deux pas de l’espace de proximité la Maison des Fougères. Depuis le début du mois de mai et dans le cadre du projet Ici Bientôt, il accueille plusieurs fois par semaine les ateliers d’écriture et d’éducation à l’image Les mots qui touchent, qui sont autant de moments conviviaux de partage, de doute, de débat.
Humanoïde & Les mots qui touchent
Tout au long du mois de mai et du mois de juin, sept à huit jeunes lilasiens et lilasiennes se sont retrouvé·es tous les mercredis après-midi à l’Atlas avec le réalisateur Matthieu Dibelius. En parallèle de ses activités de cinéaste, celui-ci intervient dans les marges depuis de longues années auprès des personnes dont la parole est disqualifiée, silencée ou contrainte. L’adolescence est un terrain privilégié pour les démarches qu’il engage, associant un accompagnement dans l’écriture et un travail de réalisation et de mise en image de soi.
Le groupe s’est retrouvé toutes les semaines, débattant ensemble autour du recours que représentent ou non les mots en situation de communication, d’agression, de discrimination, de désir ou d’amitié. Apprenant à s’écouter, à faire circuler la parole entre eux mais aussi à s’exposer, voire à baisser les armes, ils ont fait place à la pluralité des mondes vécus que portait leur petite communauté. La succession des débats et des temps d’écriture ont été l’occasion pour eux d’appréhender ce que signifie d’appartenir à une population plutôt protégée, voire sécurisée et d’identifier les lisières poreuses, parfois trompeuses de cette protection, de même que ses zones d’ombre.
Semaine après semaine, ils ont joué des coudes pour imaginer leur vie, tandis que Parcoursup entravait déjà le parcours de certains d’entre eux. Ils se sont avancés, attentifs et tâtonnants, dépliant leur sensibilité au contact des autres. Cette mise en commun ni apaisée, ni sans désaccord leur a fait gagner au passage quelques outils ainsi que de la force pour penser et s’organiser dans le monde qui leur est fait.
Continuons & Les mots qui touchent
En parallèle de ce rendez-vous, s’en tenait un autre, réunissant tous les lundi après-midi des grands adolescents animés par un désir d’expression. En compagnie du rappeur DaPro et de la psychologue Juliette Delestre, qui les ont tous deux accompagné vers l’écriture, ils ont posé sur le papier leurs espoirs, leurs frustrations, leurs découvertes. Pour la plupart venus il y a peu de Guinée, du Mali, de Côtes d’Ivoire, la France n’a de cesse depuis leur arrivée de leur dessiner des situations d’attente, de non-reconnaissance de leur parcours, de non-écoute et de précarisation. Ensemble, ils ont investi l’Atlas comme un lieu de courage, de communauté, et se sont saisis de cet espace pour formaliser, outiller et adresser leurs colères, leurs désillusions, comment ils appréhendaient leur avenir. Ils ont écrit semaine après semaine de grands textes qui habitent avec souveraineté la langue qu’ils apprennent, qu’ils ont travaillé à assumer, à performer.
Chaque séance s’est conclue par un rituel de lecture collective. Des citations, traces des trouvailles d’écriture, ont envahi les murs de l’Atlas, interrogeant ses autres occupant·es. Sans se connaître, ni se croiser, les participant·es de l’un et l’autre atelier se sont trouvés à dialoguer mur à mur.
Les combattants & Les mots qui touchent
Tandis que les deux ateliers du printemps prenaient fin, un autre dernier groupe de passionnés d’écriture et de musique a occupé l’Atlas la première semaine de juillet, en compagnie du rappeur burkinabé Joey le Soldat et du cinéaste plasticien Yo-Yo Gonthier.
L’atelier s’est lancé dans l’espace ouvert entre leur deux noms écrits à la craie au mur, posés comme deux balises. Entre elles, ont été inscrits un à un les mots lancés par les participant·es, en guise de combinaison ou de contrepoint. Les jeunes plumes s’en sont saisis comme d’un territoire en partage. Ils ont exploré le nuage de mots, l’ont parcouru, pillé, détourné, ils ont pensé des liens, des articulations, des tensions. Et c’est la question du conflit qui s’est imposée : recevoir des coups, répliquer, être à l’abri ou au contraire endosser, se sentir concerné. L’occasion pour un participant qui souhaite devenir militaire de rencontrer la possibilité d’autres postures combatives, comme celle endossée par Joey le Soldat. Tandis que ce dernier leur donnait des rythmes et précisait leur phrasé, Yo-Yo Gonthier leur a appris à s’adresser, à se tenir face à une caméra. Séance après séance, ils ont tissés leur voix, entrelacé leurs récits et dansé ensemble.