Lectures Verticales
avec F. Breteau, C. Alexandrakis, P. Artières, A-J. Chaton
En réécoute sur la R22 Tout-Monde, les deux soirées de lectures consacrées à des oeuvres issues du catalogue des editions Verticales, chacune suivie d’une discussion avec Olivier Marboeuf.
Photographies : Romain Gœtz
Lectures Verticales I : Fleur Breteau et Constantin Alexabdrakis
Deux nouveautés de deux petits nouveaux chez les Éditions Verticales. Deux regards décalés, drôles et incisifs sur les identités contemporaines. Deux tentatives de garder le cap au cœur d’un monde qui doucement tangue et prend l’eau. Deux lectures autour de l’art de trouver son chemin en se perdant quand même un peu.
« L’Amour, accessoires » de Fleur Breteau
Dans ce récit documentaire, Fleur Breteau nous fait découvrir un lovestore de l’intérieur. Avec sa bienveillante ironie, elle alterne portraits de clients, mode d’emploi de sextoys et chronique de sa propre existence où surgit la figure d’une sulfureuse arrière grand-tante. On est touché par le regard acéré et vivifiant, jamais impudique, de cette femme qui a le goût des autres et abhorre la « pensée sexuelle unique ».
« Deux fois né » de Constantin Alexandrakis
Ce récit autobiographique part d’un malentendu. Courant 2011, Constantin Alexandrakis apprend que son père, prétendument mort, n’a tout simplement jamais su qu’il avait un fils. Cette révélation le conduit à Athènes, sur les traces du « Géniteur », un sexagénaire peu coopératif sinon fuyant. L’enquête généalogique se mue peu à peu en quête existentielle. En chemin, l’auteur aura évoqué son initiation à la mythologie antique et au grec moderne, ses crises de démangeaison, l’obtention d’un CAP de charpentier, mais aussi la visite d’un dispensaire autogéré à Thessalonique, un séjour sur l’île rebelle d’Ikaria et les liens hallucinatoires du peyotl mexicain avec l’art de la mètis chère à Ulysse.
Conversation avec Olivier Marboeuf :
Lectures Verticales II : Philippe Artière et Anne-James Chaton
Deux orfèvres du fragment, deux livres rares des Éditions Verticales. Deux manières de découper le temps, de fabriquer de l’Histoire et des histoires, de l’anonyme et du commun, l’imaginaire d’une époque.
« Miettes » de Philippe Artières
« Relire trente-cinq ans après leur parution les petites annonces de ‘Sandwich’ – l’éphémère supplément de Libération –, y chercher les miettes de l’année 1980, c’est ce que j’ai entrepris de faire, ciseaux à la main. Découper une colonne, fureter dans une double page, éplucher de bout en bout une rubrique ou procéder par collages subjectifs. Autant d’expériences de lecture qui ont fait naître ce recueil protéiforme. Aux petites annonces s’ajoutent des bulletins météo ou des relevés sismiques de la même période. À travers ces événements de faible intensité, je fais le pari rêveur de revisiter un segment de notre histoire si proche et si lointaine. En captant le grain le plus fin de ce qui s’est passé et qui toujours échappe. En enregistrant ce petit rien qui fait pourtant l’épaisseur de nos vies. »
« Elle regarde passer les gens » d’Anne-James Chaton
« Elle reproche aux habitants de l’immeuble de l’espionner. Elle révèle des matières. Elle fait surgir des formes. Elle façonne des idées. Elle se fait tout voler. […] Elle doit fuir. Elle retournera à Paris. Elle y a des amis. Elle part pour la Suisse. Elle est arrêtée à la frontière. Elle n’a pas de papiers. […] Elle est de retour à New York. Elle danse. Elle parle. Elle choque. Elle a dû écourter son programme. Elle fait le bilan. Elle a perdu beaucoup d’argent. […] Elle soupçonne quelque chose. Elle ne lui fait pas confiance. Elle se méfie de cette Mary. Elle tourne autour de John. Elle lui plaît. Elle n’est pas la seule. »
Derrière ce «Elle» à identités multiples se cachent treize destins de femmes ayant marqué l’imaginaire du XXe siècle. Les vies de ces célébrités anonymes, saisies au plus près de leur quotidien, se chevauchent en une biographie sans temps mort qui réinvente l’épopée de notre modernité.
Conversation avec Olivier Marboeuf :
Photographies : Romain Gœtz